http://www.sudouest.fr/2012/02/20/le-pdg-d-adrexo-condamne-au-penal-638354-4344.php
Il s'agit d'une première en France. Frédéric Pons écope de 30 000 euros d'amende pour travail dissimulé en appel.
On ne compte plus les procédures judiciaires engagées contre Adrexo, un mastodonte de la distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres (1), où la précarité semble l'une des choses les mieux partagées parmi ses salariés. Beaucoup sont des personnes âgées qui arrondissent des fins de mois difficiles grâce au cumul emploi-retraite. Des petites mains usées qui se rebiffent, saisissant la justice un peu partout en France depuis plusieurs années pour que leur soient payées les heures de travail qu'elles effectuent. Un point sur lequel elles viennent d'obtenir gain de cause pour la première fois au pénal. En effet, par un arrêt rendu jeudi dernier, la cour d'appel de Pau a condamné le PDG d'Adrexo, Frédéric Pons, à 30 000 euros d'amende pour travail dissimulé, infirmant ainsi un jugement de relaxe du tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan du 15 mars dernier.
Cadences intenables
Au cœur de cette affaire, les conditions de travail des distributeurs de prospectus. Soumis à un régime dérogatoire dit de « préquantification du temps de travail », ils se voient fixer une « feuille de route » qui détermine par avance leur temps de travail et dont découle leur rémunération. Problème, entre ce document et la réalité, il y a souvent un monde et des cadences intenables. Ce qu'a mis en évidence une enquête fouillée de l'inspection du travail des Landes, saisie en 2006 par des distributeurs montois. Pendant plus d'un mois, trois fonctionnaires ont suivi des employés sur leur tournée. Leurs conclusions sont sans appel : le temps de travail effectué dépassait largement - parfois du simple au double - les heures précomptées et effectivement payées.
Pour sa défense, le PDG d'Adrexo s'appuyait sur la convention collective nationale de la distribution directe, laquelle a vu le jour en 2004 et a créé la préquantification des heures de travail, dispositif gravé dans le marbre par un décret ministériel en 2007, mais qui fait actuellement l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. Un argument battu en brèche par les magistrats palois pour qui la convention collective n'est pas respectée. « Aucun correctif n'est apporté à de réelles et notables distorsions entre les horaires préalablement (et conventionnellement) établis et ceux réellement effectués, ni le lissage des rémunérations, facultatif, et que ne pratique pas l'entreprise, ni la modulation, pourtant stipulée comme obligatoire et annuelle ne sont établis par le prévenu. »
L'infraction constituée
Et la cour d'enfoncer le clou en s'opposant vigoureusement à l'analyse du tribunal correctionnel montois, pour qui l'infraction n'était pas constituée du fait de l'absence d'élément intentionnel. « Il apparaît tout à fait établi », écrit-elle au contraire dans son arrêt. Lequel fustige « la généralisation d'une pratique irrégulière, en dépit de multiples réclamations, de très nombreux contentieux prud'homaux ou pénaux, et en l'espèce la résistance aux avertissements de l'inspection du travail, de la part du prévenu et de son entreprise, arc-boutés sur les dispositions d'une convention collective scrupuleusement appliquées lorsqu'à leur avantage mais négligées quant aux contreparties utiles aux salariés. »
D'autres recours en justice
Les magistrats palois ont alloué 800 euros aux huit distributeurs landais qui s'étaient constitué partie civile au titre de leur préjudice moral. Ces derniers devraient très prochainement saisir les prud'hommes afin de se faire payer leurs rappels de salaire.
Et leur victoire au pénal pourrait faire des émules, notamment en Béarn, où les distributeurs du centre de Lons ne désarment pas malgré une récente déconvenue judiciaire. Eux ont gagné aux prud'hommes mais perdu au pénal où le dossier avait été porté par l'inspection du travail des Pyrénées-Atlantiques. « Nous n'excluons pas de porter plainte dans les prochains mois. Nous accumulons les preuves et nous comptons bien engager les poursuites nécessaires », commente Antonin Le Corno, l'avocat des Béarnais. Adrexo est loin d'en avoir fini avec la justice. L'entreprise peut toutefois encore se pourvoir en cassation.
(1) 300 millions d'euros de chiffre d'affaires, un millier de cadres et 23 000 salariés distributeurs dans toute la France.
Par EliSa Artigue-Cazcarra |
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