Valse des ministres, tutelle de Bercy sur l’emploi, flopée de réorganisations… Les agents sont à la peine et l’Hôtel du Châtelet perd en influence.
À quand un nouveau locataire Rue de Grenelle ? Si ÉricWoerth a réchappé in extremis, avant l’été, à l’affaire Bettencourt, il lui reste encore à passer l’épreuve du remaniement d’octobre. L’adoption prévue du projet de loi repoussant à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite ouvrira une ultime réorganisation ministérielle, à moins de deux ans de la présidentielle. Or «Monsieur Retraite », comme l’a qualifié la presse, n’a jamais caché avoir été nommé pour conduire la réforme, en lien avec Raymond Soubie, conseiller social de Nicolas Sarkozy. « J’espère avoir du temps pour d’autres dossiers », expliquait- il en mars aux responsables de la Direction générale du travail (DGT). Le mot a vite fait le tour des services du ministère, ébranlé par la valse de ses locataires depuis 2007.
Quatre ministres du Travail en trois ans, voilà un turnover inédit depuis le début de la Ve République. Jamais l’activité n’a été aussi intense dans l’antichambre de la salle des Accords, où sont affichés les portraits des ministres, excepté ceux en fonction sous l’Occupation.
En janvier 2009, la photographie de Xavier Bertrand y était fixée après dix-neuf mois bien remplis à concrétiser des promesses du candidat Sarkozy, du service garanti dans les transports à la modernisation du marché du travail. Ensuite, le rythme s’est affolé. Juin 2009, voilà accroché Brice Hortefeux après un semestre fantomatique, hormis la relance du travail dominical. « Il s’est comporté comme dans une salle d’attente », ironise un agent. Mars 2010, à Xavier Darcos d’être épinglé. Sanctionné pour son échec aux régionales, il était déjà en disgrâce pour ses tentatives d’émancipation: l’Élysée l’avait contraint à annuler son opération de name and shame lancée sur les entreprises n’ayant pas négocié sur le stress au travail.
«Dans un gouvernement globalement stable, alors que la France vit une crise économique et sociale inédite, cette valse n’est pas un signe positif », euphémise Marcel Grignard, numéro deux de la CFDT.
Les observateurs y lisent une perte d’influence de la «Maison des partenaires sociaux», lieu des grandes négociations sociales. Une centenaire déjà chamboulée depuis que le redécoupage ministériel de 2007 l’a amputée d’une de ses deux directions de politique publique : la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, concentrant les trois quarts des crédits d’intervention et l’essentiel des moyens (avec 10000 agents en région, la tutelle de Pôle emploi, de l’Afpa…).
Depuis trente ans et l’émergence du chômage de masse, la DGEFP n’avait cessé de gagner en influence. Au point, avait reconnu l’ancien ministre délégué à l’Emploi Gérard Larcher en lançant en 2006 son plan de développement de l’Inspection du travail, que la politique d’aide au retour à l’emploi « avait pris le pas sur la politique du travail», pilier historique et domaine de la Direction générale du travail. Des tensions entre directions vite oubliées: quand la DGEFP est tombée dans l’escarcelle de Bercy, tous les syndicats du ministère du Travail s’y sont opposés.
La perspective d’une approche plus intégrée de l’emploi et de l’économie est pourtant une vieille lune. Martine Aubry n’est revenue, en 1997, Rue de Grenelle qu’à condition de participer à la prise de décision économique : tous les mardis, elle rencontrait son homologue à Bercy, Dominique Strauss-Kahn.
«L’intégration de la DGEFP à Bercy est un gage d’efficacité: les incitations économiques et budgétaires gouvernent la politique de l’emploi ! » assène un haut fonctionnaire passé du Travail à l’Économie. Relations renforcées avec le Budget, ministre de l’Économie responsabilisé sur sa politique: il n’y voit que des avantages. C’est Bercy qui annonce désormais l’évolution des chiffres du chômage.
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