" Attendu, cependant, d'une part, qu'un changement d'employeur, qui constitue une novation du contrat de travail, ne s'impose au salarié que si les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont remplies ; d'autre part, qu'en cas d'application de dispositions conventionnelles prévoyant et organisant le transfert des contrats de travail hors application de ce texte, l'accord exprès du salarié est nécessaire au changement d'employeur et échappe au contrôle de l'inspecteur du travail ; "
L'arrêt complet, qui est un arrêt de rejet et publié au Bulletin, donc à forte capacité jurisprudentielle, est ici.
Au cas où le lien ne fonctionne pas, les références de l'arrêt :
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 3 mars 2010
N° de pourvoi: 08-41600 08-44120
Faut il en déduire que, hors d'application de l'article L.1224-1 (plus célèbre sous son ancienne numérotation de L.122-12) et même en cas de convention collective prévoyant un transfert automatique des contrats de travail :
- le salarié protégé peut s'opposer à son transfert (il y a alors une obligation de recherche d'un reclassement sur un autre site pour l'employeur, et pour le salarié un risque de licenciement pour motif économique si le reclassement n'est pas possible) ;
- dès lors que le salarié protégé est d'accord, il n'y a pas (plus) besoin de l'autorisation de l'inspecteur du travail.
Une telle solution ne serait pas forcément une mauvaise chose : le salarié peut refuser directement son transfert dans le cas où on cherche à se débarasser de lui car délégué trop actif aux goûts de l'employeur, mais s'il accepte son transfert il est transféré en même temps que les autres, et du temps est dégagé pour l'inspecteur du travail.
Le seul risque est peut être que le salarié protégé refuse un peu trop rapidement, de manière reflexe, son transfert, et se retrouve alors soit à devoir travailler sur un autre site, qui ne l'arrange pas forcément, soit à prendre le risque d'un licenciement économique.
Cette interprétation est cependant loin d'être évidente. Il est possible que le juge se contente de dire ici que l'accord du salarié est nécessaire, l'autorisation de l'inspecteur du travail nécessaire, mais que l'inspecteur du travail ne vérifie pas s'il y a accord du salarié ou non, et donc que le salarié peut refuser même après autorisation de transfert.
On peut également se demander si l'arrêt risque d'avoir une portée au delà des salariés protégés pour ce qui touche à l'accord du salarié.
Jusqu'à un arrêt du 22 septembre 2009 (n°08-43649), la Cour de cassation jugeait, pour les salariés non protégés, qu'ils n'avaient pas le choix d'accepter ou de refuser le transfert.
Extrait de cet arrêt : " Mais attendu d'abord, que si l'article 3.4.1 dans sa rédaction alors applicable de l'annexe V à la convention collective des activités du déchet du 11 mai 2000 prévoit que le nouveau titulaire du marché informe par lettre les salariés concernés de leur changement d'employeur et de leur nouveau lieu de travail, il ne prive pas le salarié du droit qu'il tient de l'article 1134 du code civil de refuser la modification de son contrat de travail résultant d'une affectation sur un site situé hors du secteur géographique où il travaillait précédemment " ; Autrement dit : le salarié peut refuser un changement d'affectation sur un autre secteur géographique, mais pas le changement d'employeur, dont il est simplement informé par courrier.
Mais l'arrêt du 3 mars 2010 précité pose un attendu sans faire référence au mandat du salarié dans la partie intéresante : "en cas d'application de dispositions conventionnelles prévoyant et organisant le transfert des contrats de travail hors application de ce texte, l'accord exprès du salarié est nécessaire au changement d'employeur ". Certes, la référence, dans la suite de la phrase, au contrôle de l'inspecteur du travail, peut faire penser que la portée (déjà grande) de l'arrêt est limitée aux salariés protégés. Attendons les prochains arrêts et voyons ce qu'en disent les universitaires....
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